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1.4. Les données probantes faisant état des bons résultats du logement d’abord

1.4.1. Mettre fin au sans-abrisme des personnes ayant des besoins élevés d’accompagnement

Les services fondés sur le logement d’abord sont très efficaces pour mettre un terme au sans-abrisme des personnes sans domicile ayant des besoins élevés d’accompagnement. Dans la plupart des cas, les services européens fondés sur le logement d’abord permettent de mettre un terme au sans-abrisme d’au moins huit personnes sur dix((Pleace, N. and Bretherton, J. (2013) The Case for Housing First in the European Union: A Critical Evaluation of Concerns about Effectiveness European Journal of Homelessness, 7(2), 21-41 Voir référence 1 ci-dessus)).

  • En 2013, selon le projet Housing First Europe, 97% des personnes sans domicile ayant des besoins élevés d’accompagnement et utilisant le service Discus Housing First à Amsterdam étaient toujours dans leur logement après 12 mois d’accompagnement. À Copenhague, ce taux était de 94%. À Glasgow, le service de logement d’abord Turning Point fait également état d’un chiffre impressionnant de 92% de personnes. Le service de logement d’abord Casas Primeiro à Lisbonne affiche quant à lui un taux de 79%((Busch-Geertsema, V. (2013) Housing First Europe: Final Report http://housingfirstguide.eu/website/wp-content/uploads/2016/03/FinalReportHousingFirstEurope.pdf)).
  • Le programme français Un Chez soi d’abord cite ses résultats intermédiaires à la fin de 2013: 80% des 172 personnes sans domicile utilisant les services de logement d’abord dans les quatre villes pilotes s’étaient maintenues dans leur logement pendant 13 mois((http://hf.aeips.pt/wp-content/uploads/2013/10/Pascale.pdf)).
  • En Espagne, les résultats préliminaires du programme basé sur le logement d’abord, HÁBITAT, indiquent un niveau extrêmement élevé de maintien dans le logement à la fin de 2015((https://www.raisfundacion.org/sites/default/files/rais/noticias/infografia_habitat_DEF_A3.pdf)).
  • La Finlande fait état d’une chute du nombre absolu de personnes sans domicile de longue durée suite à l’adoption d’une stratégie nationale centrée sur le recours au logement d’abord pour mettre fin au sans-abrisme de longue durée. En 2008, on comptait 2.931 sans-abri de longue durée dans les 10 plus grandes villes. À la fin de l’année 2013, ce chiffre était tombé à 2.192, soit une réduction de 25%. Au cours de la même période, le nombre de personnes sans domicile de longue durée est passé de 45% à 36% de la population totale des personnes sans domicile((Pleace, N., Culhane, D.P., Granfelt, R. et Knutagård, M. (2015) The Finnish Homelessness Strategy: An International Review Helsinki: Ministère de l’Environnement. https://helda.helsinki.fi/handle/10138/153258)).
  • En 2015, selon une évaluation réalisée par Housing First England, on a observé que dans cinq services de logement d’abord, 74% des personnes sans domicile s’étaient maintenues dans leur logement pendant au moins 12 mois((Bretherton, J. et Pleace, N; (2015) Housing First in England: An Evaluation of Nine Services https://www.york.ac.uk/media/chp/documents/2015/Housing%20First%20England%20Report%20February%202015.pdf)).
  • En 2015, selon le service de logement d’abord à Vienne, parmi les usagers qui ont bénéficié du service pendant une période de deux ans, 98% étaient encore dans leur appartement((Neunerhaus (2015) Housing First Pilot Project Report http://www.neunerhaus.at/fileadmin/Bibliothek/Neue_Website/Neunerhaueser/Housing_First/20150925_HousingFirst_Report_english.pdf)).

Le taux de réussite en Europe se situe au même niveau ou au-dessus de celui de l’Amérique du Nord. Les études réalisées aux États-Unis font état d’un taux de maintien dans le logement se situant entre 80% et 88%((Tsemberis, S. (2010) ‘Housing First: Ending Homelessness, Promoting Recovery and Reducing Costs’ in I. Gould Ellen et B. O’Flaherty (eds) How to House the Homeless Russell Sage Foundation: New York.)). Selon l’évaluation récente du programme canadien At Home/Chez Soi, les usagers des services de logement d’abord ont passé 73% de leur temps dans un logement stable pendant deux ans contre 32% de ceux bénéficiant d’autres services d’aide aux sans-abri((Goering, P., Veldhuizen, S., Watson, A., Adair, C., Kopp, B., Latimer, E., Nelson, G., MacNaughton, E., Streiner, D. et Aubry, T. (2014) National At Home/Chez Soi Final Report Calgary, AB: Mental Health Commission of Canada.)).

Selon une meta-analyse internationale menée en 2008, entre 40% et 60% des personnes sans domicile ayant des besoins élevés d’accompagnement quittaient les services dits « par paliers » ou en étaient expulsées avant d’avoir pu être relogées. Ceci contraste fortement avec la situation des services de logement d’abord où au moins 80% de leurs usagers se maintiennent dans leur logement pendant au moins  un an((Pleace, N. (2008) Effective Services for Substance Misuse and Homelessness in Scotland: Evidence from an International Review Edinburgh: Scottish Government http://www.gov.scot/Resource/Doc/233172/0063910.pdf)).

Comme nous l’avons écrit plus haut, le logement d’abord réussit à mettre fin au sans-abrisme des personnes sans domicile ayant des besoins élevés d’accompagnement. Il y a toutefois certaines personnes, habituellement entre 5 et 20% des usagers de ces services, pour lesquelles le logement d’abord ne permet pas de sortir durablement du sans-abrisme.

1.4.2. Santé et bien-être

Le logement d’abord peut avoir une influence positive sur la santé et le bien-être des personnes sans domicile ayant des besoins élevés d’accompagnement:

  • En 2013, selon le projet de recherche Housing First Europe, 70% des usagers du service de logement d’abord à Amsterdam avaient réduit leur consommation de drogue, 89% d’entre eux précisaient que leur qualité de vie s’était améliorée et 70% que leurs troubles psychiques étaient moindres. Le service Turning Point à Glasgow a également enregistré des résultats positifs. Il y est fait état d’une stabilisation ou d’une réduction de la consommation de drogue/d’alcool d’une majorité d’usagers du service. Au sein du service Casas Primeiro à Lisbonne, 80% des personnes ont affirmé ressentir moins de stress. Le tableau est plus mitigé en ce qui concerne les services de logement d’abord au Danemark, mais 32% des usagers font état d’une diminution de leur consommation d’alcool, 25% d’une amélioration de leurs troubles psychiques et 28% d’une amélioration de leur état physique((Busch-Geertsema, V. (2013) Housing First Europe: Final Report: http://housingfirstguide.eu/website/wp-content/uploads/2016/03/FinalReportHousingFirstEurope.pdf: On a également fait état d’une détérioration de la santé et du bien-être. http://hf.aeips.pt/wp-content/uploads/2013/10/Pascale.pdf)).
  • En 2015, selon les résultats intermédiaires du programme français Un Chez soi d’abord((Tinland, A. and Psarra, C. (2015) Housing First: Lessons from France presentation at the IGH Homelessness in a Global Landscape conference, Chicago, Juin 2015)), au cours des six mois qui ont précédé l’intégration dans le programme, les personnes sans domicile avaient passé en moyenne 18,3 nuits à l’hôpital. Après 12 mois au sein du service, le temps passé à l’hôpital au cours des six derniers mois était tombé à 8,8 nuits en moyenne. Les contacts avec les hôpitaux et la fréquence des séjours à l’hôpital avaient ainsi significativement baissé.
  • Selon l’évaluation de Housing First England, réalisée en 2015, 63% des usagers du service faisaient état d’une amélioration de leur état physique et 66% d’une diminution de leurs troubles psychiques. Quant à leur consommation de drogue et d’alcool, les usagers ont signalé une amélioration, mais celle-ci restait moindre((Bretherton, J. et Pleace, N. (2015) Housing First in England: An Evaluation of Nine Services https://www.york.ac.uk/media/chp/documents/2015/Housing%20First%20England%20Report%20February%202015.pdf)).

Le logement d’abord, en Europe comme en Amérique du Nord, a montré sa capacité à améliorer la santé et le bien-être des usagers. Les résultats sont variables – tous les usagers de services de logement d’abord ne voient pas leur santé et leur bien-être s’améliorer – mais cette approche permet d’apporter des changements positifs pour nombre d’entre eux((Pleace, N. et Quilgars, D. (2013) Improving Health and Social Integration through Housing First: A Review Brussels: DIHAL/FEANTSA. http://housingfirstguide.eu/website/wp-content/uploads/2016/03/improving_health_and_social_integration_through_housing_first_a_review.pdf Johnson, G., Parkinson, S. et Parsell, C. (2012) Policy shift or program drift? Implementing Housing First in  Australia AHURI Final Report No. 184: http://www.ahuri.edu.au/__data/assets/pdf_file/0012/2064/AHURI_Final_Report_No184_Policy_shift_or_program_drift_Implementing_Housing_First_in_Australia.pdf)).

1.4.3. Intégration sociale

L’intégration sociale comporte trois éléments principaux:

  • L’accompagnement social, centré sur le renforcement de l’estime de soi qui tend à développer une image valorisante de soi-même; l’aide à la compréhension des évènements et le fait d’arriver à composer avec sa propre vie, appellé accompagnement informatif; le compagnonnage social (le fait de passer du temps avec les autres) et l’accompagnement pratique ou instrumental((Cohen, S. et Wills, T. (1985) Stress, Social Support and the Buffering Hypothesis Psychological Bulletin, 98, 310-357.)).
  • L’intégration dans la société, est un concept difficile à définir avec précision, mais qui fait en général référence aux relations positives, mutuellement bénéfiques, entre l’usager du service de logement d’abord et ses voisins. Au sens large, l’intégration dans la société renvoie également au fait que la personne sans domicile n‘est pas stigmatisée par l’entourage((Pleace, N. et Quilgars, D. (2013) Improving Health and Social Integration through Housing First: A Review Brussels: DIHAL/FEANTSA.)). Dans le cadre du logement d’abord, on aide la personne à s’adapter à son nouveau rôle dans la société, à être notamment un bon voisin.
  • L’intégration économique, peut signifier l’accès à un emploi rémunéré, mais également à des activités socialement productives ou gratifiantes. Cela peut aller de la participation à des activités artistiques à l’éducation informelle et formelle en passant par la formation professionnelle et la recherche d’emploi.

L’un des objectifs clés du logement d’abord (voir les chapitres 3 et 4) est de promouvoir l’intégration sociale en milieu ordinaire. Le logement agit comme base, ou comme fondement à partir duquel on peut développer l’accompagnement social, la socialisation et l’intégration économique qui permettront d’améliorer la qualité de vie de l’usager. Un accompagnement social de qualité, un engagement positif dans l’environnement et le fait d’avoir une existence structurée et qui a un sens permettent manifestement d’améliorer la santé et le bien-être des personnes((Voir référence ci-dessus.)).

  • Le service de logement d’abord Casas Primeiro à Lisbonne mentionne que près de la moitié des usagers du service avaient commencé à rencontrer des personnes et à se socialiser dans les cafés de quartier. 71% des personnes déclarent qu’elles se sentent « chez elles » dans le quartier et 56% qu’elles ont le sentiment de faire partie d’une « communauté » au sens de groupe social((Ornelas, J., Martins, P., Zilhão, M.T. et Duarte, T. (2014) Housing First: An Ecological Approach.to Promoting Community Integration European Journal of Homelessness (8.1), 29-56 . Voir référence 27 ci-dessus.)).
  • Selon une récente évaluation du programme Housing First en Angleterre, sur 60 usagers des services de logement d’abord, 25% déclaraient être en contact régulier avec leur famille avant d’avoir intégré le programme. Ce chiffre atteignait 50% une fois qu’ils étaient accompagnés dans le cadre du service. Avant d’intégrer le programme, 78% des personnes adoptaient des comportements préjudiciables, tels que la consommation d’alcool dans la rue. Ce chiffre passait à 53% après leur intégration dans le programme de logement d’abord((Bretherton, J. et Pleace, N. (2015) Housing First in England: An Evaluation of Nine Services https://www.york.ac.uk/media/chp/documents/2015/Housing%20First%20England%20Report%20February%202015.pdf)).
  • Une étude qualitative menée en Europe et en Amérique du Nord montre que les personnes qui ont intégré un programme basé sur le logement d’abord peuvent avoir un plus grand sentiment de « sécurité ontologique » que lorsqu’elles étaient sans-abri. Le logement d’abord permet d’améliorer ce sentiment de sécurité dans la vie quotidienne encore appelé sécurité ontologique((Padgett, D. K. (2007). There’s no place like (a) home: Ontological security among persons with serious mental illness in the United States. Social science & medicine, 64(9), 1925-1936, p. 1934.)).

On ne trouve pas beaucoup de données probantes, en Europe ou en Amérique du Nord, faisant état du fait que le logement d’abord aide les personnes sans domicile ayant des besoins élevés d’accompagnement à accéder à un emploi rémunéré, mais il convient de préciser que les personnes qui intègrent ces programmes font souvent face à de nombreux obstacles à l’accès à un emploi. Le logement d’abord vise à apporter des améliorations en termes de santé, de bien-être et d’intégration sociale. Cette approche n’a pas l’ambition d’être un remède miracle ou la panacée qui mettra rapidement fin à toutes les conséquences négatives du sans-abrisme. Le logement d’abord réussit à mettre un terme au sans-abrisme et cela, en soi, renverse complètement la situation de la personne sans domicile confrontée à des risques multiples liés à sa santé, à son bien-être et à son intégration sociale.