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1.1. Introduction au logement d’abord

Le logement d’abord, « Housing First » en anglais, est probablement l’innovation la plus importante en matière de services aux personnes sans domicile depuis 30 ans. Elaboré par le Dr. Sam Tsemberis à New York, ce modèle a été appliqué avec succès pour mettre fin au sans-abrisme chez les personnes ayant des besoins élevés d’accompagnement aux États-Unis, au Canada et dans plusieurs pays européens.

Conçue pour les personnes qui nécessitent une aide importante pour sortir de leur situation de sans-abrisme, cette stratégie est particulièrement adaptée aux personnes sans domicile qui souffrent de troubles psychiques ou de pathologies mentales sévères, ont un problème de drogue ou d’alcool, une mauvaise santé physique ou sont en situation de handicap. Les services de logement d’abord se sont également révélés efficaces auprès de personnes qui sont sans-abri depuis une longue période ou de façon répétée et qui, outre leurs besoins élevés d’accompagnement, sont en rupture de lien social, c’est-à-dire qu’elles ne bénéficient pas ou plus d’aide d’amis ou de leur famille et sont particulièrement isolées. Aux États-Unis et au Canada, les programmes fondés sur le logement d’abord sont également utilisés pour aider les familles sans domicile et les jeunes.

Dans le cadre de  cette approche, on utilise le logement comme point de départ plutôt que comme objectif final. Avant toute chose, un service de logement d’abord s’occupe de fournir un logement. Dans ce cadre, on se concentre immédiatement sur le fait de permettre à la personne de vivre dans son propre logement, celui-ci étant un logement ordinaire en ville. L’approche est également centrée sur l’amélioration de la santé et du bien-être et sur la (re)création d’un lien social pour les personnes accompagnées. Il s’agit d’une approche très différente de celle des services d’aide plus classiques dans le cadre desquels on essaie de rendre les personnes « prêtes à être logées » avant de leur permettre d’accéder à un logement. Dans ces services, on exige des usagers d’être sobres, de prendre régulièrement leur traitement et d’être suffisamment  autonomes avant de leur fournir un logement. Dans le cadre de ce type de services, le logement intervient « en dernier lieu ».

Le logement d’abord vise de plus à garantir aux personnes sans domicile un niveau élevé de choix et de contrôle sur les services proposés, en particulier le logement. Les usagers des services sont activement encouragés à réduire leur consommation de drogue et d’alcool et à entamer un traitement sans que cela leur soit imposé. Dans le cadre des services d’aide plus classiques, comme les services dits « par paliers », où l’accès au logement arrive à la fin du parcours d’insertion, on exige souvent que les personnes suivent un traitement et arrêtent complètement la drogue et l’alcool avant de leur permettre d’accéder au logement. On peut également leur retirer ce logement si elles ne suivent pas le traitement ou si elles n’arrêtent pas complètement la drogue et l’alcool.

Aux États-Unis, au Canada et en Europe, les recherches ont montré que le logement d’abord permettait de mettre fin au sans-abrisme d’au moins huit personnes sur dix((Basé sur une analyse des données probantes existantes, voir: Pleace, N. and Bretherton, J. (2013) The Case for Housing First in the European Union: A Critical Evaluation of Concerns about Effectiveness. European Journal of Homelessness, 7(2), 21-41 http://housingfirstguide.eu/website/the-case-for-housing-first-in-the-european-union-a-critical-evaluation-of-concerns-about-effectiveness/  Ce chiffre fait référence aux personnes anciennement sans abri logées depuis au moins un an par un service de logement d’abord (pour plus de détails sur les données probantes faisant état des résultats positifs du logement d’abord, voir plus loin dans ce chapitre).)). On a également pu constater l’efficacité de cette approche auprès de divers groupes de personnes sans domicile. L’approche fonctionne très bien pour les personnes fortement désocialisées après une longue période ou des épisodes répétés de sans-abrisme, pour les personnes sans domicile qui souffrent de troubles psychiques sévères et/ou de problèmes d’addiction et pour les personnes sans domicile en mauvaise santé physique.

On peut dire que le logement d’abord en Europe suit huit principes fondamentaux. Ceux-ci sont très similaires aux principes de base élaborés par le Dr. Sam Tsemberis, fondateur de l’approche  « Housing First » à New York au début des années 1990((Tsemberis, S.J. (2010) Housing First: The Pathways Model to End Homelessness for People with Mental Illness and Addiction Minneapolis: Hazelden.)). Les principes qui suivent ont été définis en concertation avec le Dr. Tsemberis et le comité consultatif de ce guide:

  • Le logement est un des droits de l’homme
  • Choix et contrôle par les usagers des services
  • Séparation entre le logement et le traitement
  • Services d’accompagnement orientés vers le « rétablissement »
  • Principe de la réduction des risques
  • Engagement actif sans coercition
  • La personne est au centre de l’accompagnement
  • Souplesse de l’accompagnement qui sera proposé aussi longtemps que de besoin

Le logement d’abord fonctionne sur la base de ces principes fondamentaux et propose un éventail de services, notamment le maintien dans le logement mais aussi l’amélioration de la santé, du bien-être et de l’intégration sociale. Cette approche  propose ainsi à la personne d’accéder à des soins et vise à développer des liens sociaux. Elle renforce l’accompagnement social en proposant à la personne des activités valorisantes, comme des activités artistiques, éducatives ou autres, mais aussi un emploi rémunéré.