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4.2. Le logement comme point de départ

Le logement est le point de départ plutôt que l’objectif final des services de logement d’abord. Le logement d’abord est différent de certains autres services d’aide aux personnes sans domicile dans le cadre desquels on fait en sorte que les personnes sans domicile ayant des besoins élevés d’accompagnement soient prêtes à intégrer un logement avant de les reloger, à savoir des services dits « par paliers » où le logement vient en dernier lieu. Dans le cadre du logement d’abord, le logement est ce que l’on propose en premier lieu.

Nous avons expliqué que le logement apportait une sécurité ontologique. Il s’agit d’un principe théorique, mais on peut le résumer en disant qu’il s’agit de la situation de quelqu’un qui a le sentiment d’être en sécurité dans sa vie, que celle-ci est prévisible et sûre – le contraire de la situation que connaît une personne sans domicile  où les risques à court et à long terme sont omniprésents((Pleace, N. et Quilgars. D. (2013) Improving Health and Social Integration through Housing First: A Review Bruxelles: DIHAL/FEANTSA.Vid note 94.)). Pour un usager d’un service de logement d’abord, le fait de lui procurer un chez-soi vise à l’aider à retrouver, ou à commencer, une vie normale. Un universitaire américain a décrit le rôle que joue le fait d’avoir un chez-soi dans le cadre du logement d’abord de la façon suivante:

Le fait d’avoir un « chez-soi » ne garantit pas forcément que la personne va se rétablir à l’avenir, mais cela constitue, dans le présent, un socle stable permettant de recréer une vie moins stigmatisée et plus normalisée((Padgett, D. K. (2007). There’s no place like (a) home: Ontological security among persons with serious mental illness in the United States. Social Science & Medicine, 64(9), 1925-1936, p. 1934.)).

En plus de permettre une sortie permanente du sans-abrisme, un chez-soi joue les rôles suivants dans le cadre du logement d’abord:

  • Un chez-soi constitue le point de départ de l’intégration sociale. Le fait d’avoir un logement qui lui est propre permet à l’usager de retrouver un élément central dans une vie ordinaire ou de le connaître pour la première fois. Dans cette approche, on met l’accent sur le rôle du logement pour démarrer un processus dans lequel une personne sans domicile ayant des besoins élevés d’accompagnement vit dans la cité et dans la société, et n’en n’est plus exclue à cause de son absence de logement (voir le chapitre 3).
  • Le fait d’être dans la rue, ou dans un lieu de vie précaire, amplifie à la fois la perception et la réalité de courir un risque physique. Les services d’aide d’urgence et d’aide aux personnes sans domicile peuvent également donner un sentiment d’insécurité ou être dangereux. Quand une personne se trouve dans un logement à elle et qui lui convient, cela lui apporte à la fois la sécurité et la prévisibilité. Un usager d’un service de logement d’abord sait qu’il a un endroit où dormir et où il sera en sécurité.
  • Un chez-soi sûr et stable permet d’améliorer l’efficacité du traitement qu’un usager choisit de suivre. L’expérience a montré que, lorsqu’une personne vit dans la rue ou dans des services d’aide aux personnes sans domicile, l’efficacité du traitement de ses pathologies mentales et physiques ou de ses problèmes de consommation de drogue et d’alcool est compromise. Pour que les soins de santé aux personnes sans domicile soient efficaces, il faut d’abord s’assurer que celles-ci disposent d’un endroit pour vivre au chaud, au sec, qu’elles mangent régulièrement et qu’elles ne soient pas sujettes au stress extrême qui est souvent lié au sans-abrisme((Quilgars, D. et Pleace, N. (2003) Delivering Health Care to Homeless People: An Effectiveness Review Edinburgh: NHS Scotland. http://www.healthscotland.com/uploads/documents/425-RE04120022003Final.pdf)).
  • Un chez-soi permet de contrôler sa vie. Cela permet d’avoir une intimité, d’avoir une vie sociale et un espace où développer et entretenir une relation. Cela permet de vivre comme on l’entend, ce qui n’est pas possible quand on vit dans un service communautaire d’aide aux personnes sans domicile ou dans un centre d’hébergement d’urgence – où tous les espaces de vie sont partagés – ou quand on vit dans la rue.
  • Quand les besoins en matière de logement sont satisfaits, il devient possible de s’occuper des autres aspects de la vie. Le logement d’abord montre aux personnes sans domicile qu’elles peuvent aller mieux en leur procurant un logement stable et en les convainquant que leur santé, leur bien-être et leur intégration sociale peuvent également s’améliorer dans ce contexte. Cela les encourage à s’impliquer dans leur traitement et auprès des services d’accompagnement.

Un service qui ne propose pas ce que l’on peut clairement reconnaître comme étant un chez-soi ne peut pas être considéré comme un service de logement d’abord. Un hébergement d’urgence ou un centre d’hébergement où les chambres sont communes, ou qui ne propose que des espaces de vie partiellement privés, qui ne sont pas indépendants, ne correspond pas à une approche de logement d’abord. De même, un service dont les membres du personnel peuvent entrer sans autre formalité dans le logement d’un usager d’un service de logement d’abord, ou posséder et utiliser la clé du logement de cette personne sans sa permission, ne correspond pas à une approche de logement d’abord.

Dans le chapitre 3, nous décrivons les différents types d’accompagnement en matière de logement, leur étendue et leur organisation dans le cadre des services de logement d’abord.

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