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6.3. Plaider la cause du logement d’abord

Plusieurs gouvernements en Europe, les gouvernements danois, finlandais, français et espagnols, par exemple, ont décidé d’adopter et de tester le logement d’abord comme axe principal de leur réponse stratégique au sans-abrisme. Dans d’autres pays européens, la réponse politique est plus inégale((FEANTSA (2012) On the Way Home? FEANTSA Monitoring Report on Homelessness and Homeless Policies in Europe. Bruxelles. FEANTSA : http://housingfirstguide.eu/website/on-the-way-home-feantsa-monitoring-report-on-homelessness-and-homeless-policies-in-europe/ ; Fondation Abbé Pierre/FEANTSA (2015) Regard sur le mal-logement en Europe: 2015. http://housingfirstguide.eu/website/wp-content/uploads/2016/06/fap_eu_fr.pdf)). Au niveau de l’UE, le jury de la Conférence européenne de consensus sur le sans-abrisme de 2010 a recommandé dans son rapport de prendre en considération le logement d’abord et les services associés dans la lutte contre le sans-abrisme((http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=88&langId=fr&eventsId=315&furtherEvents=yes)), une position partagée par la Commission européenne((http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=9770&langId=en)).

Le rôle des données probantes, en particulier le rôle des données de bonne qualité qui comparent systématiquement le logement d’abord aux services d’aide aux personnes sans domicile plus classiques, a été fondamental pour favoriser l’utilisation de cette approche en Amérique du Nord. La qualité des données a permis à cette approche d’attirer l’attention des gouvernements européens et des prestataires de services aux personnes sans domicile et d’intéresser des organisations internationales comme la Commission européenne et l’OCDE. Toutes les données probantes faisant état des bons résultats du logement d’abord ne sont pas universellement considérées comme étant de bonne qualité, et d’aucuns continuent de penser que cette approche ne constitue pas un modèle à suivre. Pour plaider la cause du logement d’abord, il reste néanmoins important de produire des recherches de bonne qualité, qui montrent clairement que cette approche permet de mettre un terme au sans-abrisme de personnes ayant des besoins élevés et ce, avec un bon rapport entre le coût et l’efficacité.

En Suède, l’Université de Lund promeut activement les idées du logement d’abord auprès des prestataires de services d’aide aux personnes sans domicile et auprès des décideurs politiques((http://www.soch.lu.se/en/research/research-groups/housing-first)). En Italie, le groupe Housing First Italia((http://www.housingfirstitalia.org/en/)), une collaboration entre prestataires de services, municipalités et universitaires, travaillant sous l’égide de fio.PSD, promeut également le logement d’abord. Les personnes de terrain, les plaidoyers et les réflexions autour du logement d’abord peuvent aider à mettre à l’agenda politique cette innovation majeure qui permet de réduire le nombre de personnes sans domicile ayant des besoins élevés d’accompagnement. Les collaborations entre prestataires de services et universités, comme cela existe en Suède et en Italie, permettent de renforcer la capacité d’effectuer un lobby efficace pour le logement d’abord en collectant des preuves solides, grâce au travail conjoint de professionnels de la prestation de services et de professionnels de l’évaluation.

En Angleterre, Homeless Link, la fédération des prestataires de services d’aide aux personnes sans domicile, a développé Housing First England((www.homeless.org.uk/hfengland)), un programme lancé en 2016 qui vise à promouvoir le logement d’abord au niveau politique et en tant que modèle de bonnes pratiques. Il s’agit ici aussi d’une entreprise collaborative, qui reflète étroitement les développements observés en Italie et en Suède.

Le logement d’abord génère de bons résultats grâce à la manière dont l’accompagnement est proposé, mais également, et peut-être encore davantage, parce que l’on met l’accent sur le fait de fournir rapidement un chez-soi. On extrait ainsi une personne de la situation de sans-abrisme et on la soustrait aux risques et aux incertitudes qui y sont associés (voir les chapitres 1 et 3). Les recherches ont permis de montrer que la coordination des services dans le cadre d’une stratégie intégrée de lutte contre le sans-abrisme permet d’apporter une réponse politique plus efficace au sans-abrisme. Toutefois, on ne peut fondamentalement rien contre le manque de logements adéquats à des prix acceptables. Le logement d’abord est une approche majeure en termes d’innovation parce qu’elle souligne le rôle central que doit jouer le logement dans le cadre d’une réponse stratégique au sans-abrisme((Pleace, N., Culhane, D.P., Granfelt, R. and Knutagård, M. (2015) The Finnish Homelessness Strategy: An International Review Helsinki: Ministry of the Environment https://helda.helsinki.fi/handle/10138/153258)).

Le logement d’abord est également important parce qu’il se démarque des hypothèses concernant la nature du sans-abrisme et les personnes qui sont dans cette situation. Elle permet de montrer que le sans-abrisme ne se résume pas à des comportements et des attitudes à changer ; c’est en réalité une réponse en termes de services qui donne des résultats, qui accompagne et qui permet le rétablissement mais dans le cadre de laquelle on n’exige pas de changement de comportement et on n’utilise pas la sanction pour l’imposer par la force. En procurant rapidement un logement aux personnes sans domicile, en reconnaissant  leur humanité partagée, en respectant leurs choix et en encourageant leur rétablissement, le logement d’abord met un terme au sans-abrisme (voir le chapitre 1).