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2.3. Séparation entre le logement et le traitement

Le logement d’abord permet que le droit au logement ne soit pas compromis par l’obligation de traitement de la part de l’usager, que ce soit pour accéder au logement ou pour s’y maintenir. Le logement est dès lors distinct du traitement. Dans la pratique:

  • L’accès au logement, le fait que la personne se voit proposer un logement par un service de logement d’abord, n’est pas soumis à la condition d’un changement de comportement ou à l’acceptation de suivre un traitement. Cela veut dire concrètement que l’on propose un logement à la personne même si elle n’arrête pas l’alcool et/ou n’accepte pas de suivre de traitement pour ses troubles psychiques et/ou refuse d’autres propositions d’accompagnement.
  • Les usagers ne sont pas obligés de changer de comportement ni d’accepter de suivre un traitement pour pouvoir se maintenir dans un logement que lui a procuré le service de logement d’abord. Le logement d’abord permet d’aider la personne à respecter les termes d’un bail ou d’une location de la même façon que n’importe quel citoyen   dans le même cas. Dans le cadre de ce programme, les usagers sont tenus de rencontrer les membres de l’équipe d’accompagnement, notamment pour contrôler si la personne se maintient dans son logement. On ne retire toutefois pas un logement à une personne parce qu’elle ne modifie pas son comportement ou qu’elle ne suit pas son traitement.
  • Si une personne est expulsée, cela ne peut être que le résultat d’une démarche du propriétaire en raison d’une infraction liée au bail ou à la location. Le logement d’abord prévoit de reloger une personne expulsée et de l’accompagner au cours du processus de relogement. Les services d’accompagnement proposés dans le cadre de cette approche sont continus et non liés au fait d’être logé. Il y a donc une continuité de l’accompagnement s’il y a un changement de résidence ou une situation de crise clinique (un tournant critique au plan de la santé physique ou mentale de la personne).

Le logement est également séparé de l’accompagnement sur un autre plan. Nous avons vu que l’accompagnement proposé dans le cadre du logement d’abord durait aussi longtemps que de besoin (voir 2.8), mais  lorsque  une personne n’utilise plus les services de logement d’abord, elle garde son logement. Si une personne n’a plus besoin des services de logement d’abord, elle n’est pas obligée de déménager.

A la différence d’autres services d’aide aux personnes sans domicile, le logement d’abord s’engage vis-à-vis de la personne et non de son logement. Cette approche est fondée sur la personne et non sur un lieu. En d’autres termes:

  • Quand une personne décide de déménager, l’équipe d’accompagnement et les services médicaux restent en contact avec elle et continuent à l’accompagner dans son nouveau logement.
  • Si une personne perd le logement que lui a procuré le service de logement d’abord, que ce soit en raison d’une expulsion ou parce qu’elle l’a abandonné de son propre gré, les services d’accompagnement et de traitement restent en contact avec elle. Le cas échéant, le service basé sur le logement d’abord l’aidera à trouver un autre logement aussi rapidement que possible.
  • Si une personne intègre une institution, les services d’accompagnement et de traitement du programme restent en contact avec elle. Si la personne doit par exemple être hospitalisée en psychiatrie, le contact sera maintenu avec la personne et on essaiera de garder son logement ou d’organiser un nouveau logement pour sa sortie d’hôpital. Il en sera de même si quelqu’un est incarcéré pour une courte période.

Lorsque le logement fourni est situé dans un immeuble ou dans un ensemble d’appartements dévolus exclusivement aux usagers du service de logement d’abord, cela peut constituer une difficulté. Dans ce cas, il est important de garantir que le droit au logement de la personne soit le même que pour une personne qui loue un logement ordinaire. En théorie, cela peut signifier que la personne continue à vivre dans cet immeuble alors qu’elle ne fait plus l’objet d’un accompagnement, en accord avec l’équipe de logement d’abord, ou qu’elle a décidé de mettre fin à l’accompagnement et au traitement proposés par l’équipe de logement d’abord. Le logement et le droit au logement de la personne sont séparés du traitement et de l’accompagnement qu’elle reçoit. Cela peut sembler un exemple extrême, mais le principe fondamental de séparation entre le logement et le traitement ne peut être remis en question dans le cadre d’un service de logement d’abord. Ce principe a été adopté dans le cadre de certains services finlandais de logement d’abord((http://works.bepress.com/dennis_culhane/145/)) (voir le chapitre 4).

Certains services de logement d’abord sous-louent des logements aux usagers. Cela peut se produire pour deux raisons. Tout d’abord, cela peut rassurer les propriétaires du secteur locatif privé et social. En effet, la responsabilité juridique vis-à-vis du logement incombe dès lors au service de logement d’abord et non à l’usager. En outre, si un problème se pose dans un logement, l’équipe peut faire en sorte que la personne s’en aille et lui trouver un autre logement puisqu’elle n’est pas locataire ou détentrice du bail.

Une telle organisation implique de trouver le juste milieu entre le fait de garantir le droit au logement de la personne et de fixer des limites en termes de droits vis-à-vis d’un logement en particulier. Il est essentiel que les services de logement d’abord aient une éthique irréprochable pour que le principe fondamental de la séparation entre le logement et le traitement soit respectée. Dans certains services de logement d’abord au Royaume-Uni, les usagers sont locataires à part entière, ce qui leur confère le même droit au logement que n’importe quel autre locataire de logement social ou privé((https://www.york.ac.uk/media/chp/documents/2015/Housing%20First%20England%20Report%20February%202015.pdf)) (voir le chapitre 4).